
Yiwendenda Tiemtoré sorts strawberries in his field in Ouagadougou, on March 28, 2024. In the suburbs of Ouagadougou, the round leaves of strawberries are replacing cabbage and salads. An oddity in the heart of the Sahel, Burkina strawberries invade the stalls of local markets, a red gold which is now also exported beyond the borders. (Photo by FANNY NOARO-KABRÉ / AFP)
Au cœur du Sahel, un petit pays enclavé de 274 000 km², sans accès à la mer et soumis à un climat aride identique à celui du Tchad, est en train de réussir un pari que d’autres n’osent même pas tenter. Le Burkina Faso, malgré sa superficie deux fois inférieure à celle du Tchad (1 284 000 km²), s’impose comme l’un des champions ouest-africain de la fraise, avec une production annuelle estimée à 2 000 tonnes.
Dans les bas-fonds de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, entre janvier et avril, la fraise est reine. Cultivée sur de petites parcelles de 300 m², irriguée à l’eau de puits, la variété « Selva » produit entre 25 et 30 kg tous les trois jours. Résultat, un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de FCFA lors de la campagne 2019-2020, selon le Programme d’Appui à la Promotion de l’Entrepreneuriat Agricole (PAPEA). Mieux encore, plus de la moitié de la production est exportée vers le Ghana, le Niger et la Côte d’Ivoire.
Pendant ce temps, au Tchad, pays vaste, fertile au sud, au centre, à l’Est, à l’Ouest y compris une parcelle dans le nord de statistique, et disposant de nappes phréatiques abondantes, aucune filière structurée de fraise n’existe. Sur les marchés de N’Djamena, les fraises viennent de l’étranger, parfois même d’Europe, à des prix inaccessibles.
La réussite burkinabè, pourtant née d’un simple jardin d’expatrié dans les années 1970, repose sur une vision, oser innover malgré le climat, miser sur des cultures à forte valeur ajoutée, organiser les producteurs en réseau et surtout croire au potentiel agricole local.
Le Tchad, plus grand, plus riche en terres cultivables, doit s’inspirer de cet exemple. Car si le Burkina peut produire de la fraise en pleine chaleur sahélienne, pourquoi pas la Tandjilé, le Logone ou le Mandoul, le Salamat, le Guéra, le Borkou ou le Lac. « Ce n’est pas le climat qui limite une nation, c’est l’absence d’ambition », dit un contemporain.
Sakhaïroune Ousmane Kikigne