
Malgré ses 39 millions d’hectares, dont 30 % de terres arables, le Tchad peine à tirer profit de son potentiel agricole. Le pays figure parmi les cinq plus vastes du continent africain, mais l’agriculture y demeure rudimentaire et peu productive. Pour en comprendre les causes, Gazelle Presse a interrogé Manemon Mapouki, technicien-agronome et Secrétaire Exécutif Permanent de la Fédération Nationale des Organisations des Producteurs de Semences du Tchad (FENOPS).
Selon lui, sur les 13,3 millions d’hectares défrichés, seulement 2,34 millions (soit 6 %) sont effectivement exploités, dont moins de 1 % sous irrigation. « Nous disposons pourtant de 435 000 ha facilement irrigables, dont 100 000 dans la zone du B.E.T. », déplore-t-il. À ses yeux, la faiblesse du rendement agricole tchadien est le reflet d’un système sans vision participative. « Il faut redéfinir notre politique agricole en tenant compte des réalités des agriculteurs », affirme-t-il, pointant l’usage massif de semences paysannes (95 %) et le manque de technologies adaptées.
La situation se répercute directement sur le panier de la ménagère. Les faibles productions locales poussent les commerçants à importer des denrées alimentaires, contribuant à la flambée des prix sur les marchés. « Moins il y a de production dans les champs, plus les prix augmentent », résume Mapouki, qui insiste sur les effets du changement climatique, de l’usage anarchique des pesticides et du déficit d’encadrement technique comme freins majeurs à la performance des cultures.
Pour inverser la tendance, il préconise une approche combinée, pratiques agricoles améliorées, mécanisation adaptée, semences sélectionnées selon les zones agroécologiques et relance de la recherche agronomique. Les semences paysannes, trop souvent négligées, pourraient aussi servir de levier, à condition d’être mieux encadrées et valorisées.
L’expert plaide clairement pour une transition vers une agriculture de seconde génération. « Tous les pays développés ont misé sur l’agriculture. Le Tchad a besoin d’une agriculture productive, structurée et nourricière », martèle-t-il, ajoutant que « la faim est plus dangereuse que la guerre ».
Les défis restent nombreux, les terres dégradées, détournement des fonds publics, pression des réfugiés, absence de suivi technique. Toutefois, Mapouki reste optimiste, les actions 70 à 73 du Chantier 9 du Chef de l’État, centrées sur le monde rural, pourraient marquer un tournant, si elles sont réellement appliquées. Mais, conclut-il, « sans volonté politique ferme, nos paysans continueront de souffrir malgré la richesse de notre sol ».
IHLAM Ousmane Moussa