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Au Tchad, un phénomène vestimentaire s’est imposé ces dernières années, dépassant le simple effet de style pour devenir une véritable référence culturelle, le « djallabia PCMT ». Tenue intégralement blanche, composée, d’un chapeau assorti, de chaussures et même de chaussettes blanches, ce code vestimentaire popularisé par le Président du Conseil Militaire de Transition, devenu aujourd’hui Président de la République s’est diffusé bien au-delà du cercle politique.

Si l’ancien Maréchal, père de l’actuel président, alternait les couleurs, gris, bleu ciel, blanc, noir ou bleu marine, l’actuel Président Mahamat Idriss Deby Itno a fait du blanc son identité visuelle. Adoptée lors de ses premières apparitions publiques, cette tenue est rapidement devenue un marqueur distinctif. Au fil des mois, l’imitation s’est installée, dans l’administration, lors des mariages, des cérémonies traditionnelles, ou même au sein de la diaspora, nombreux sont ceux qui adoptent ce style désormais baptisé « mode PCMT ».

Derrière cette adhésion, il y a une lecture sociale et culturelle. Le djallabia, d’origine arabe, a été réapproprié au Tchad pour devenir une tenue locale à part entière. La version blanche populaire aujourd’hui incarne une forme de pureté, de sobriété et d’élégance que beaucoup revendiquent comme marqueur identitaire. Cette appropriation témoigne aussi de l’influence symbolique des figures politiques dans la construction des esthétiques contemporaines.

Mais ce phénomène, en apparence anodin, soulève également des questions économiques. La plupart des tissus utilisés, notamment le très prisé « Gesner », ne sont pas fabriqués localement. Importé et extrêmement cher, ce tissu peut coûter entre 37 500 et 50 000 FCFA au minimum, parfois davantage. Les chaussures et accessoires sont eux aussi majoritairement importés. Résultat, une mode devenue nationale, mais dont le coût pèse sur les ménages et participe à une sortie importante de devises.

Dans ce contexte, une question centrale émerge, pourquoi le Tchad, pays producteur de coton, ne parvient-il pas encore à transformer localement cette ressource pour créer une véritable filière textile nationale ? Le développement d’une telle industrie permettrait non seulement de réduire les coûts pour les consommateurs, mais aussi de créer des emplois, de valoriser le savoir-faire local et de renforcer l’indépendance économique du pays. Comme l’ont fait certains pays africains, dont le Bénin avec son textile local, le Tchad pourrait devenir une référence régionale et probablement mondiale.

Ainsi, le « djallabia PCMT », devenu symbole d’unité et de fierté, ouvre malgré lui un débat plus profond, celui de la nécessité de repenser la production vestimentaire, de soutenir l’innovation locale et d’ancrer la mode tchadienne dans une dynamique économique durable.

Sakhaïroune Ousmane Kikigne

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