
A N’Djaména, la consommation d’alcool frelaté connaît une progression inquiétante, notamment chez les jeunes et certaines personnes âgées. Malgré les textes réglementaires interdisant son importation et sa commercialisation par le décret N°2835 du 2 septembre 2022, cette boisson nocive continue de circuler librement dans plusieurs quartiers de la capitale.
Dans les ruelles et marchés périphériques, ces alcools, souvent conditionnés dans des sachets ou des bouteilles anonymes, sont vendus à bas prix. Autour des points de vente, l’ambiance oscille entre convivialité trompeuse et tensions, avec des altercations fréquentes. Pour beaucoup de consommateurs, le choix est dicté par la précarité.
« Le chômage et la pression sociale nous poussent à chercher l’oubli », confie Mahamat Issa Youssouf, un jeune sans emploi rencontré sur place. « Avec une petite somme, on peut vite ressentir les effets, contrairement aux boissons réglementées », ajoute-t-il.
Même constat pour Salomon Ndjibar, diplômé sans travail, qui évoque un profond sentiment d’exclusion. « Quand les perspectives sont bouchées, certains finissent par noyer leur frustration dans ces produits dangereux », regrette-t-il.
Du côté des vendeurs, la décision d’interdiction suscite de vives réactions. Clémentine. S, commerçante, estime que l’Etat aurait dû accompagner cette mesure. « Nous avons des dettes et des familles à nourrir. Interdire sans solution, c’est nous condamner », déplore-t-elle.
Pour Bernadette, porte-parole informelle des vendeuses, la lutte contre l’alcool frelaté doit s’accompagner d’alternatives économiques crédibles. Sans cela, l’application de la loi restera fragile.
Face à ce fléau sanitaire, les autorités sont appelées à renforcer les contrôles tout en s’attaquant aux causes profondes, chômage, pauvreté et manque de perspectives pour la jeunesse.
Sakhaïroune Ousmane Kikigne
